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Biographie de Stephan Eicher
Dans le monde bien rodé de la chanson contemporaine, le franco-suisse allemand Stephan Eicher apparaît comme un artisan, un amoureux des choses bien faites.
Côté texte d’abord, pour celui dont l’auteur fétiche et ami de longue date s’appelle Philippe Djian (37,2° le matin, …). Côté musique ensuite, pour cet orfèvre qui aime à enregistrer dans les endroits les plus insolites et reculés: Carcassonne ou Engelberg.
Très médiatisé au plus haut de sa carrière (Déjeuner en paix, Pas d’ami comme toi, Combien de temps), Eicher peaufine désormais son oeuvre loin des médias, s’appliquant à construire un univers particulier que rien ne peut altérer, ni le temps, ni l’espace. Rencontre avec un artiste méticuleux et secret.
Des origines multiples
En écoutant parler cet étrange personnage qu’est Stephan Eicher, on est d’abord surpris par son accent, mi-rocailleux mi-chantant. Ce timbre si particulier qui colore sa musique, il le doit à ses origines, hésitant entre le peuple tzigane et la Suisse allemande, plus exactement Münchenbuchsee, près de Berne, où Stephan voit le jour le 17 août 1960.
Langue colorée et passion musicale bercent les jeunes années du chanteur. Son père, violoniste, donne à ses trois fils le goût des instruments. Aujourd’hui, à l’ombre de leur frère, les autres enfants Eicher vivent aussi de la musique, jazz et rock.
Adolescent, Stephan s’essaie aux arts, à tous les arts: musique, chant, écriture, théâtre, vidéo, cinéma (dont il gardera un goût prononcé pour l’image), rien ne fait peur à ce jeune homme pourtant solitaire.
A dix-sept ans, alors que son premier groupe The Noise Boys ne survit que quelques mois, son éclectisme “culotté” lui permet de rentrer en studio pour enregistrer seul un premier 45 tours Eisbar, qui rencontre un certain succès. En pleine époque punk, Eicher impose une musique expérimentale, née de son travail sur les instruments et les ordinateurs.
Européen
Européenne avant l’heure, la culture musicale de Stephan Eicher s’enrichit dès ses débuts de voyages et de rencontres: de l’Italie à l’Allemagne, en passant par la France ou sa Suisse natale, le jeune artiste tourne dans toute l’Europe et glane çà et là les inspirations nécessaires à l’élaboration de son image de marque.
Les filles de Limmatquai, son premier mini-album, Stephan Eicher spielt The Noise Boys, Souvenir, mais surtout l’album Chansons bleues en 1983 font découvrir cet artiste étrange qui n’est pourtant pas un débutant.
Cinq ans après Eisbar, Eicher hante les scènes françaises et les programmes des festivals les plus prestigieux, tels que Les Transmusicales de Rennes ou le Printemps de Bourges.
De cette époque date la découverte dans l’Hexagone du chanteur grâce à son album I Tell This Night, porté par le tube Two People In A Room. Ce titre passe en boucle sur les ondes et propulse son auteur sur la mythique scène parisienne de l’Olympia.
S’il chante principalement en français, on apprécie aussi sa façon unique de se jouer des frontières: allemand, anglais, français, … Ses chansons sont universelles et ne sont pas sans rappeler les guitares des Dylan et Lou Reed dont Eicher est grand amateur.
Combien de temps…
…Est le tube de l’année 1987 en France et reste le morceau phare de Stephan Eicher. Il marque l’entrée du Suisse au Panthéon de la chanson contemporaine. Ses tournées sont vertigineuses et le public honore son idole par dizaines de milliers.
Source de liberté, le succès permet aussi au chanteur de chercher la note juste, sans concession au show-biz. Désormais, ses albums prennent le risque d’être moins populaires, moins rock, pour caresser l’harmonie et la quête de la perfection.
Fidèle à son goût pour les mélanges, Eicher allie avec allégresse les cordes, les dialectes locaux (Hemmige), les instruments traditionnels et ceux, plus contemporains, voire futuristes.
Engelberg en 1991, du nom d’un casino abandonné réaménagé en studio d’enregistrement, marque le début de la collaboration artistique d’Eicher et du romancier Philippe Djian, rencontré sur les plateaux de l’émission de télé Rapido.
Carcassonne, en 1993, marque définitivement le style Eicher d’une double obsession: celle des hôtels (cet album est enregistré dans le magnifique Hôtel de la Cité) et celle, plus profonde, des lieux de solitude bercés d’histoire et de beauté.
D’années en années, le chanteur s’offre le luxe de travailler sa musique en artisan du verbe et du son. Rien n’est laissé au hasard, ni le décor, ni la mise en scène, ni l’ambiance. Et le public est à nouveau séduit, même si la quête spirituelle de Stephan déçoit un peu les fans de l’époque Déjeuner en paix.
La tournée 94 donne naissance à un double album live, Non ci badar, guarda e passa (Ne pas s’arrêter regarder et continuer).
Expériences
Devançant de quelques années le tout récent Hôtels, cet album offre à l’auditeur plus de deux heures de pure magie. Les meilleurs titres d’Eicher en public d’une part, des extraits, des inédits, des bandes sons, toute une bibliothèque secrète d’autre part, le tout magnifiquement orné sous l’apparence d’un livret cartonné.
Indéniablement, Stephan Eicher cherche à séduire par son authenticité et la perfection de son travail. Mais cette indépendance vis-à-vis du système a un prix. Les albums se vendent moins (1000 vies en 1996 ou Louanges en 1999 en sont l’exemple), même si l’artiste continue à satisfaire un public fidèle à travers le monde.
C’est notamment sur scène que se perpétue la magie Eicher, d’Europe en Asie, d’Amérique du Sud en Afrique. Le chanteur consacre la majeure partie de son temps à l’errance, mais à une errance salvatrice et calculée: chacun de ses voyages apporte de la matière à la construction de son style bigarré. Un mélange unique de dialectes locaux et de grandes étendues musicales, sur fond d’instruments traditionnels et contemporains.
Hôtels, double album superbement illustré sorti l’été 2001, offre, à la manière de Non ci badar…, un florilège des tubes “anciens” d’Eicher et des versions inédites ou expérimentales.
Bien moins médiatisé qu’au plus haut de sa carrière, lorsqu’il chantait dans toute l’Europe Combien de temps, Déjeuner en paix, ou Pas d’ami comme toi, Stephan Eicher n’en est pas moins un artiste contemporain très populaire et apprécié.
Par sa volonté de rester honnête et authentique, et par sa collaboration fructueuse avec le romancier Djian, Eicher produit une musique hors du commun que colorent ses origines multiples. A lui seul, et à la manière du belge Arno, Eicher est le digne représentant d’un art sans frontière, humain et coloré.
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Discographie de Stephan Eicher
Albums
2019 : Homeless Songs
2019 : Hüh! (Titres de son répertoire revisités par une fanfare + inédits)
2017 : Song Book avec Martin Suter
2013 : Rêveries
2012 L’envolée
2010 Spielt Noise Boys
2007 Hotel S
2007 Eldorado
2005 Ich-Mochte-Ein-Eicher-Sein
2003 Volume 2
2003 Volume 1
2003 Taxi Europa
2003 Non Ci Badar Guarda E Passa
1999 Louanges
1996 1000 vies
1993 Carcassonne
1991 Engelberg
1989 My place
1987 Silence
1985 I tell this night
1983 Les chansons bleues
1982 Souvenir
En fait c’est très logique. La musique mariachi, c’est la musique autrichienne. Qui est venue avec le roi Maximilien au Mexique…
Quelques concerts solo, des mois sans nouvelles, un changement de maison de disques, et voilà enfin le nouvel album de Stephan Eicher. Eldorado est tellement bon qu’il me rappelle des souvenirs. Tellement agréable à écouter qu’il ne quitte plus ma platine. Tellement une évidence que j’en perds mes mots. Alors laissons le parler de ce disque, de tout et de rien, il est doué pour ça aussi. Comme Cesare Pavese dans “Le métier de vivre”, Eicher explique sa manière de voir les choses, sa musique et le monde.
Zicactu: Comment vas-tu ?
Stephan Eicher: Là très très bien et toi ?
Zicactu: Moyen mais en même temps grâce à toi beaucoup mieux…
S. E.: (Soucieux) Qu’est-ce que j’ai fabriqué ?
Zicactu: Un très bon album !
S. E.: Ha d’accord ! (rires)
Zicactu: Dans le précédent album, tu nageais jusqu’aux Amériques et là tu sembles avoir trouvé une petite cabane en Louisiane ?
S. E.: Je suis encore à la plage, je sors et je m’essuie. Tu es un des rares à remarquer le lien de ces 2 disques. “Swim to America” était un peu le début de celui-là. Cette tonalité un peu américaine, elle vient de Toby Dammit, mon batteur, qui est américain. Il m’a fait rencontrer quelques amis, musicalement et humainement très intéressants. Je tenais à faire un petit club-tour en Corse sans prétention, en improvisant beaucoup. J’avais besoin de gens pour m’entourer et il m’a présenté Martin Wenk, un trompettiste qui est berlinois donc allemand, mais qui joue dans Calexico, qui est un mélange entre la frontière américaine et mexicaine.
Zicactu: Un drôle de brassage culturel que tu aimes bien ?
S. E.: En fait c’est très logique. La musique mariachi, c’est la musique autrichienne. Qui est venue avec le roi Maximilien au Mexique. A la cour, ils jouaient des polka de l’est et les Espagnols en on fait la salsa. Le tango aussi est bavarois. Le bandonéon, c’était l’accordéon des allemands quand ils ont quitté leur pays. Le piano était trop lourd à transporter (rires). Ils ont donc inventé ce petit accordéon portable. Tu vois, tout se tient. C’est une Amérique qui se mélange, qui se rectifie…
Zicactu: Après Martin Wenk, tu rencontres aussi un autre musicien ?
S. E.: Oui. Je cherchais un guitariste et Martin m’avait dit que dans Calexico, ils avaient un super guitariste. Je n’étais pas convaincu car j’aurais plutôt aimé avoir le pedal-steel de Lambchop. Je suis fan de ce groupe. J’ai toujours voulu faire sonner mes albums comme Lambchop. Et Martin m’a répondu que Paul Niehaus jouait dans les deux groupes. Je l’ai donc rencontré à Paris au Bataclan. Je leur ai donné un sac avec plein de bandes qu’ils ont amenées à Berlin et pendant une semaine, ils ont rajouté beaucoup de choses sur l’album en préparation.
Zicactu: En parlant d’américanisation de ton univers: “(I Cry At) Commercials” n’aurait pas dépareillé dans l’album de Sparklehorse: “It’s a Wonderful Life” ?
S. E.: C’est la même famille effectivement. Cette chanson, je l’ai faite alors que j’étais malade. J’avais un rhume. La prise d’enregistrement sonnait un peu comme un canard. Je ne savais plus quoi faire avec ce titre. Et finalement on a fait un effet “Sparklehorse” pour enlever tous les coins-coins. Au final, j’essaye de ne pas simuler ce groupe. Je voulais produire ce nouvel album avec Mark Linkhous mais il était en tournée au moment de l’enregistrement.
Zicactu: En parlant de voix, il y a aussi ta voix qui change, qui se pose différemment ?
S. E.: C’est l’écriture des chansons qui change. Une voix qui a un autre rôle. Plus proche de “My Place” pour aller très loin. J’ai fait ce disque entouré de ma famille, c’est à dire que je n’habitais pas seul. Je travaillais la nuit et je ne pouvais pas chanter trop fort de peur de réveiller les enfants… ou encore pire, quand j’ai fait les pistes pour ma voix, il y avait un chien qui aboyait quand je chantais trop fort (rires).
Zicactu: Ce qui change des oiseaux de l’Hôtel de la Cité à Carcassonne ?
S. E.: Oui ! (rires) C’était un chien donc beaucoup moins mélodique… Ce nouveau style est venu du fait que toute une partie de ma vie allait se coucher à 23 heures et c’était à ce moment précis où je pouvais travailler jusqu’à 6 heures du matin, ensuite je faisais le petit déjeuner pour tout le monde avant d’aller me coucher. J’ai donc appris en premier lieu: que lorsque je chantais, je réveillais les enfants et les chiens (rires).
Zicactu: Dans “Eldorado”, je pense aussi que tu mets beaucoup plus d’affirmation que d’interrogation ?
S. E.: Ha oui ? Attends, cela fait 25 ans que je pose des questions, laisse-moi la chance pendant les 25 ans qui arrivent, d’essayer d’y répondre.
Zicactu: On sent que tu l’assumes pleinement cet album ?
S. E.: Au début, je n’ai même pas pensé à un public. J’ai écrit ces chansons pour moi. Moi en premier spectateur. “Voyage” qui se trouve sur le disque ne devait pas y figurer, car je trouvais qu’elle était trop personnelle. Qu’elle ne regardait personne. C’est une amie à moi qui l’a entendue et qui ne voulait plus me parler si je ne la mettais pas. Je l’ai mise car je tenais à ce que nos dialogues continuent (rires). Il y a quelques chansons comme ça: “Eldorado” qui est devenue une espèce de monstre avec plein de têtes et de bras très puissants, je n’osais pas la jouer devant les responsables de la maison de disques car je ne pensais pas qu’elle puisse captiver quelqu’un.
Zicactu: “Voyage” a le même impact qu’un “Tu ne me dois rien” ?
S. E.: Je ne sais pas. Je la trouve très forte. Mais je n’ai pas l’impression que les médias cherchent ça. Même le public. Ca n’intéresse pas grand monde ce genre de titre non ? Remarque si quelque chose m’intéresse, tu peux à coup sûr, être certain que cela n’intéressera pas grand monde (rires). Après, quand tu fais un titre comme “Rendez-vous” avec Raphaël, oui c’est porteur et ça parle aux gens.
Zicactu: Pourquoi n’avoir gardé qu’une chanson sur les trois qu’il t’avait proposées ?
S. E.: Il n’en a pas fait trois. Il n’en a même pas fait une. Très tôt dans la production, je lui ai joué les chansons car j’aime bien ce garçon et je tenais à avoir son point de vue. Il m’a invité chez lui et j’ai entendu les compositions pour son prochain disque. Je me retrouvais dans 3 titres. Il y en a une folk celte, que j’aurais bien enregistrée pour “Louanges” par exemple. Et il y a eu cette chanson “Rendez-vous” qui me rappelait une suite d’accords que j’utilisais dans le temps… et voilà, ensuite je l’ai embarqué dans mon club-tour en Corse et Martin y a collé sa trompette, et de fil en aiguille, je me la suis accaparée.
Zicactu: Sur cet album, il y a un hit en puissance c’est “Confettis” ?
S. E.: J’espère qu’il y en a au moins un (rires). Mais en tout cas, c’est plaisant que tu penses à ce titre. Mais tu as entendu le texte ? Tu crois que les radios vont passer des paroles comme “pisser dans le noir” ? Elle traîne depuis un moment cette chanson. J’avais fait une version très triste, très pisser dans le noir (rires). Au milieu de l’album, j’ai rencontré Frédéric Lo qui a réalisé un très beau travail avec Daniel Darc sur “Crêve Coeur”, je devais le voir car la maison de disques avait trouvé dans mes chansons un tube qui s’appelait “Parle-moi” et je ne trouvais pas une production cohérente. Chez lui, on a travaillé sur cette chanson. Pendant la pause, il m’a demandé si j’avais d’autres titres et j’ai joué “Confettis”, “Solitaires”, etc. Il m’a enregistré et finalement, le tube on ne l’a jamais repris !
Zicactu: Le climat jazzy sur les chansons bernoises n’est pas présent ou moins prononcé sur tes chansons françaises. C’est le romantisme de ta langue maternelle qui t’incite à poser ces musiques sur ces titres ?
S. E.: Ces chansons, je les ai faites à part. Avec Reyn, qui est un musicien que j’adore. Qui aime le jazz et programme aussi des Playstations. Je connais quelqu’un de bien tu vois (rires). Bref, à un moment je voulais que les chansons aient une vie très vite. J’ai rassemblé avec Reyn une petite équipe de musiciens. Je voulais des musiciens de jazz car pour moi, ce sont des mecs qui ont fait des études de musique classique mais la grande différence avec les musiciens classiques, c’est qu’ils sont capables et ont une terrible envie d’improviser. Avec cette équipe pointue, quand tu joues une musique simple, ça devient très intéressant. En 4 jours, on a fait un double album. On en a gardé seulement 3 car tout un disque avec ce tempo, on se serait peut être endormis (rires).
Zicactu: L’album s’est fait en 2 temps ?
S. E.: 3 ! Si tu comptes bien: 1 avec Reyn, 2 avec Frédéric et ensuite avec le chien à la maison ! Ce disque part de moi, pour aller à Paris, puis à Berlin, et fini dans mon ordinateur où je coupe et je colle. J’ai utilisé 240 pistes… pour mon disque le plus minimaliste, c’est plutôt pas mal.
Zicactu: Minimaliste mais avec quelques belles pointures en musicien et aux “backing vocals” ?
S. E.: Oui, c’est un disque seul dans ma manière de le faire, de le chanter. Même s’il y a beaucoup de musique, je me sentais nu dans tout ça. J’ai pensé à Crosby-Stills-Nash. Après, je n’ai pas cherché très loin: Chris Stills, j’ai le numéro… du fils, Crosby j’ai pris Raphaël et Nash c’est Finn. Je te conseille de l’écouter, c’est un jeune allemand qui a 24 ans. Il a un talent formidable. Je chante sur un remix d’une de ses chansons en Allemagne. Imagine, c’est comme si Etienne Daho sort un disque et c’est Jean-Louis Murat qui chante (rires). Il était important sur le disque. J’ai même eu envie de faire un disque de 12 chansons où chacun vient avec 3 chansons et chacun joue sur les titres des autres.
Zicactu: On a l’impression que tu as 1000 projets en tête ?
S. E.: J’ai toujours eu ça ! Mais là ça dépend de l’accueil d’Eldorado. Si le disque a un certain succès, je pourrai continuer à faire ce que j’ai envie… sinon je ne sais pas ce qui va m’arriver. Tu sais, je suis content que tu sois là, cela prouve que je sors encore un album ! (rires). La solution, ce n’est pas de faire un MySpace, tu peux même en vendre 1 million grâce à ça, mais il n’y a pas de suite. Avant, quand je savais que dans 2 ans, il allait y avoir un nouvel album de Lou Reed, cela me facilitait la vie, je me disais qu’avant de me flinguer, j’avais bien envie d’entendre son prochain album en ayant la certitude qu’il allait sortir. On a perdu ce fil.
Zicactu: En tout cas, si Philipe Djian se met à écrire la musique de ses textes, qu’est-ce qu’il te reste ?
S. E.: Plus rien !
Zicactu: C’est toi qui l’a poussé à franchir le cap ?
S. E.: Il ne voulait pas. J’ai trouvé ça joli comme idée parce qu’il m’a d’abord présenté à Martin Suter qui est un écrivain suisse et qui est venu s’intégrer à cet album, puis il y a eu Raphaël, j’ai reçu une maquette assez simple de Mickey3d et je me suis rendu compte que pour ce disque, j’ouvrais les fenêtres pour faire venir de nouveaux collaborateurs. Je le tenais au courant de l’évolution et un jour, je lui ai simplement dit que j’aurais aimé travailler avec quelqu’un d’autre pour la musique de “Pas déplu” et il m’a demandé qui était l’heureux élu et je lui ai répondu “C’est toi !”.
Zicactu: Sur chaque parole qu’il t’a écrite, il compose une musique à la guitare sèche qu’il t’envoie sur une cassette ?
S. E.: Oui. J’avais essayé de coller une musique sur cette chanson sans y arriver. C’est un peu comme “La voisine” sur Taxi-Europa… Je pense que je l’ai ratée cette chanson: ce n’est pas que je n’aime pas la musique, mais elle n’est pas à la hauteur du texte. C’était la première fois que j’étais conscient de ne pas trouver un équilibre en mélodie pour ses mots. Sur plusieurs de mes chansons, j’ai cette impression que la musique est un décor de maladroit sur un texte si fin. Là, c’est lui qui m’a sauvé en m’expliquant comment la jouer. Je crois que j’ai perdu une naïveté sur la route. C’est inévitable au bout de plusieurs disques.
Zicactu: Il y a un seul titre sur l’album que je n’aime pas, je peux te le dire ?
S. E.: Vas-y !
Zicactu: C’est la chanson de Mickey3d qui ne colle pas avec le reste ?
S. E.: Tu n’es pas le seul (rires). Maintenant je l’adore mais à un moment… j’aime bien l’histoire de ce titre, les images qui en découlent, mais musicalement je n’étais pas content. J’ai donc demandé à Mickey si je pouvais changer la structure. Il est un peu ours mais bon finalement, il a accepté après avoir grogné… Frédéric était chez moi, il voit tous mes vieux synthés et il me demande s’il peut en jouer. Je lui ai répondu d’accord mais on enregistre ! “Avec quelle chanson” me dit-il ? “Mickey3d” (rires). Il y a tous les vieux trucs de Noise Boys dans ce titre.
Zicactu: Tu ne critiques pas souvent tes anciens albums et là, j’étais étonné de t’entendre dire qu’il y avait des chansons sur “Taxi-Europa” qui n’étaient pas à leur place ?
S. E.: Je savais que certains titres n’étaient pas à la hauteur dans la manière de les interpréter. Mais le but de cet album, de ce répertoire était de partir en tournée. J’étais conscient qu’un titre comme “Tant et tant” serait plus joli moi seul à la guitare mais je savais qu’il y avait 2 guitaristes et 1 batteur à pousser. C’était un choix d’habits qui n’a pas forcément bien fonctionné.
Zicactu: C’est le meilleur moyen de les redécouvrir sur scène dans un climat dépouillé ?
S. E.: Effectivement. “Cendrillon après minuit”, ce sera une guitare et deux notes de piano.
Zicactu: Tu as commencé à répéter pour une tournée future ?
S. E.: Mais je ne m’arrête jamais de donner des concerts ! Je joue parallèlement et c’est très bien ! Je suis victime de la crise du disque. Qui n’est pas une crise du disque mais une crise du marché du disque ! Ce qui change tout. Ils scient leur propre arbre. Ils dévalorisent (même si la musique n’est pas un grand art comme la peinture ou la littérature) une création. C’est comme un macramé ou un joli bouquet de fleurs: un peu de respect (rires).
Zicactu: Comment vois-tu ton métier aujourd’hui ?
S. E.: Tout est aux mains de multinationales. Ces grands groupes ont tellement cru au téléchargement qu’ils ont laissé mourir le CD qui coûtait beaucoup de sous, de l’argent qui n’était pas utilisé pour faire la guerre à Bagdad et piquer le pétrole. Il fallait des gens pour porter les CD, des camions, des secrétaires et tout ça pour les amener à la FNAC et la FNAC prend 40% tu te rends compte ! Ils se sont demandé comment réduire cela et voilà qu’est apparu le “DownLoad”! Le remède à tous les maux ! Le seul problème c’est que maintenant, le “Download” se fait sans eux ! Ils voyaient des milliards devant leurs yeux multipliés par mille.
Zicactu: Mais tu y trouves ton compte ?
S. E.: Oui car tu n’as plus cette dictature de faire un disque, promo, tournée pour ensuite te laisser te désintoxiquer un peu, en ayant quitté juste avant ta femme parce que tu as pété les plombs mais après fatalement tu refais un bon disque, et hop re-promo, re-tournée (rires). Maintenant, je leur explique que pour payer mes factures, je dois arrêter de penser au disque et prendre des dates (rires). C’est plus zen.
Zicactu: Elle t’a fait du bien cette tournée solo avec ton ordinateur l’année dernière ?
S. E.: J’étais un peu déçu du résultat de mes prestations. Les endroits où j’ai joué n’étaient pas bien choisis. Excepté à Brest au Vauban. Je rêvais de me faire plus plaisir.
Zicactu: Pour ta tournée, tu vas prendre le train ou la voiture ?
S. E.: Le train.
Zicactu: C’est pour écrire des chroniques pour Via, le magazine des chemins de fers suisses ?
S. E.: Tu as lu ça ?
Zicactu: Oui, d’ailleurs la première chronique sur ta valise est très comique.
S. E.: Tu veux rire ! Cette histoire est triste ! J’ai dû abandonner ma vieille valise. J’ai pour moi une image d’un film américain de soldats au Vietnam. C’est Rambo un peu (rires). Tu sais que le mec va mourir mais tu l’emmènes quand même en lieu sûr. Moi c’est pareil, avec ma valise. J’ai du mal à jeter mes objets. Les chaussures, les livres, les CD et qui plus est ma valise. Ca m’a brisé le coeur (rires). La nouvelle m’énerve.
Propos recueillis par Pierre Derensy en avril 2007.