On s’est longtemps amusé du sourire trop lisse de Sacha Distel et de son style French Lover. C’est bien vite oublier que derrière l’interprète de Scoubidou et l’éphémère fiancé de Brigitte Bardot, se cache un guitariste hors-pair, féru de jazz et de comédie, neveu du grand Ray Ventura, et compositeur de talent.

Avec sa mort, survenue le 22 juillet 2004, on rend, un peu tard, hommage à ce grand musicien, représentant à l’étranger du charme et du glamour à la française. Le chanteur léger fait soudain place à l’artiste confirmé.

Neveu de Ray Ventura

Né à Paris le 29 janvier 1933, Sacha Distel grandit avec la musique dans le sang. Si son père Léo est ingénieur chimiste, sa mère Andrée est pianiste et son oncle n’est autre que le grand Ray Ventura, musicien de génie que l’entre-deux guerres rendit célèbre dans le monde entier.

Dès le plus jeune âge, Sacha tâte de la guitare et se berce de jazz. Le coup de foudre survient un soir de 1948 à l’Olympia, où il découvre, estomaqué, le phrasé musical de Dizzy Gillespie. Introduit alors dans le milieu du disque par son oncle, le jeune garçon fréquente dès quatorze ans Henri Salvador, qui devient son père spirituel et l’initie aux subtilités de la guitare. Si bien qu’à dix-sept ans, on parle du jeune Distel comme du meilleur espoir de sa génération.

Musicien de jazz

Après quelques concerts dans l’orchestre de Ray Ventura, il remporte en 1951 la Nuit du Jazz avec le Quintet Hubert Damisch. Sa carrière est lancée.

Il fréquente les plus grands artistes de la planète Jazz: Armstrong, John Lewis, Billy Byers, Stan Getz, Dizzy Gillespie, avec lesquels il joue ou enregistre. Sollicité par les plus grandes boîtes, il voyage. Allemagne, États-Unis, Angleterre, découvrent sa gueule de play-boy et lui permettent d’accroître sa notoriété.

Il enregistre même avec Lionel Hampton en 1955 et reste pendant des années le musicien de jazz le plus talentueux et le plus récompensé. Mais son rêve, c’est de chanter, et le jazz ne s’y prête pas vraiment. Alors il change de métier et devient tout d’abord éditeur musical.

Brigitte Bardot

A seulement trente ans, il a pour vedettes à son catalogue Juliette Gréco, Paul Misraki ou Georges Brassens. S’il n’abandonne pas pour autant la chanson, il ne rencontre pas vraiment le succès. Jusqu’à ce merveilleux jour de 1956 où, par l’intermédiaire de Misraki, qui compose la bande originale du film de Vadim “Et Dieu créa la femme”, il fait la connaissance de la mythique Brigitte Bardot.

Elle est déjà célèbre et leur courte idylle propulse Sacha en couverture de tous les magazines. La rupture sentimentale est aussi cruelle que leur aventure fut brève. Blessé, Distel enregistre illico un 45 tours, sous les conseils avisés de son ami Maurice Tézé. Ce sera la reprise d’une ballade américaine acidulée que le chanteur maquille de jazz et de scat dans sa version française.

Scoubidou

Le titre Scoubidou devient dès janvier 1958 un tube. Sacha réalise alors son rêve de chanteur bien qu’il réfute l’aspect bon enfant de ses premiers succès. Lorsqu’il écrit La belle vie en 1964, il est loin de s’imaginer que sa chanson sera reprise et interprétée par les plus grands: tout d’abord Tony Bennett, puis Sarah Vaughan, Sinatra, ou encore Dionne Warwick ! Superbe tableau de chasse pour le French Lover.

Puis il enchaîne les succès: Tu es le soleil de ma vie, sur une reprise de Stevie Wonder, Toute la pluie tombe sur moi, Mon beau chapeau, Scandale dans la famille, autant de tubes teintés de jazz et portés par sa voix chaleureuse et son sourire enjôleur.

Sacha Show

Il devient à l’étranger le Frank Sinatra de l’Hexagone et remporte tous les suffrages. Son charme le conduit à animer pendant de nombreuses années le Sacha Show à la télévision, puis La Belle Vie au milieu des années 80. C’est d’ailleurs dans une de ses émissions télévisées qu’il fait débuter en 1965 une jeune artiste du nom de Mireille Mathieu.

Mais son domaine, c’est la scène, où il s’épanouit et donne le meilleur de lui-même. Il se produit de très nombreuses fois au fil des années sur les scènes du mythique Olympia ou du Casino de Paris. Avec Chicago, un spectacle musical qu’il joue des centaines de fois, il remplit les salles jusqu’à ses dernières représentations londoniennes en 2003.

Accident de voiture

Après un passage à vide dans les années 70, il revient tristement sur le devant de la scène après un dramatique accident de voiture au volant de sa Porsche, dans lequel l’actrice Chantal Nobel frôle la mort. Les rumeurs les plus folles alimentent alors les tabloïds.

Dans Les pendules à l’heure, son autobiographie parue en 1985, le chanteur règle ses comptes et met plutôt l’accent sur sa carrière, pour laquelle il a tout donné. Côté cour, marié en 1963 avec l’ancienne skieuse Françoise Bréaud, il est le père de deux enfants et mène de main de maître sa carrière d’auteur compositeur, d’interprète, de comédien et d’homme. Il enregistre régulièrement des albums aux accents de jazz, ce jazz qui reste sa raison d’être. Son dernier double album sort en 2003.

Plus discret depuis quelques années, Sacha Distel ne s’est pourtant jamais retiré. Parce que l’amour de la musique et du spectacle est plus fort que la maladie qui commence à le ronger. Parce que son honnêteté et son éternel optimisme ne l’ont jamais abandonné. Parce que le public a toujours reconnu en lui un artiste complet au répertoire riche et varié.

En vacances chez ses beaux-parents dans le sud de la France près de Saint-Tropez, il succombe au cancer le 22 juillet 2004 à l’âge de 71 ans. A sa disparition, le public et le métier s’accordent pour reconnaître en lui un grand homme et un de nos musiciens les plus talentueux. Son répertoire résolument moderne, très vaste et pourtant méconnu, est réédité à l’occasion et s’offre enfin dans toute son ampleur aux nouvelles générations.

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